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Chapitre II) Studies, no studies

Studies, no studies

Senshutsu. Établissement de Scolarité Militaire.

 

- Dîtes-moi, Monsieur le proviseur, cette élève doit-elle vraiment suivre ce cursus ? Ses résultats physiques sont trop limités, alors qu'elle semble exceller dans la pratique théorique.

- Je sais bien, Monsieur l'inspecteur, mais elle a dix ans. En classe dix, les élèves de l'ESM ont déjà fait quatre ans de préparation, soit plus de la moitié de leurs études. Et puis, elle n'a ni frère ni sœur, ce qui fait d'elle l'aînée de sa fratrie.

- Au diable les coutumes d'antan, Monsieur le proviseur ! N'envoyez pas des enfants fragiles à la Nouvelle Armée sous prétexte qu'ils sont aînés. Ils finiront par nous le reprocher. De plus, si vous la transférez maintenant à l'Éducation Civile, il lui restera jusqu'à huit ans de plus pour étudier, votre seuil de moitié de parcours n'est par encore franchi !

- Allez expliquer tout ceci au lieutenant Greg Mandra, de la division de la Destinée, Monsieur l'inspecteur. C'est de sa fille dont il s'agit.

- Diantre ! Ces militaires m'auront toujours horripilé... Pourquoi faut-il qu'ils s'occupent de fonder une famille alors que leur devoir est de protéger l'humanité ? Hmpf !

 

À l'école, Nidari et Létaki ont de bons résultats. Ils sont tous les deux dans une classe spécialisée pour les futurs soldats. Les études n'y sont pas particulièrement poussées intellectuellement, mais certains cours importants sont plus exigeants. L'initiation à la stratégie militaire fait partie de ces études théoriques avancées. Interrogé à l'oral, c'est Nidari qui répond sans hésitation :

- C'est le système de poulie pentaconique qui permet de disperser une meute !

- Bien ! Et savez-vous pourquoi je vous fais étudier ces systèmes-là ensemble ? Demande le professeur en voulant piéger ses élèves.

Un peu hésitant sur la réponse, Nidari tente :

- Ce sont les systèmes qui composent la stratégie de Lygendia IV, non ?

- Surprenant, jeune Nakar, vous avez anticipé ma question, je suis fier de votre travail !

En effet, mise en place très récemment, la stratégie Lygendia IV n'est pas encore mentionnée dans les livres d'apprentissage. Si Nidari a déjà, au moins vaguement, ces quelques connaissances, c'est parce que son père, soldat, lui en a parlé pour le préparer au mieux à son avenir professionnel. Quelques élèves jaloux lui envient son hérédité militaire depuis toujours, et il le sait, c'est pour ça qu'il ne se permet pas de gâcher la moindre occasion qu'il a de rendre son père fier de lui, et de prouver qu'il sera un bon soldat. Létaki, elle aussi, a d'excellents résultats aux examens théoriques, mais comme elle est timide, ses résultats ne sont pas remarqués par les autres élèves, en classe. Au contraire, même, elle en est la risée, puisqu'à la pratique physique et sportive, malgré de jeunes efforts, elle n'est clairement pas au niveau du reste de la classe 10.

- C'est pour ça qu'on s'entraîne, Létaki...

Nidari tente de remonter le moral de sa jumelle alors qu'elle vient de chuter.

- Ce n'est pas grave, relève-toi.

En désignant d'un hochement de tête un groupe d'élèves hilares derrière lui, Nidari rétorque :

- Ils se moquent parce qu'ils ont peur de se retrouver seuls, une fois enrôlés. Nous deux, on restera toujours ensemble, Létaki, c'est promis !

Il fait partie des meilleurs sportifs de sa classe, sans en être clairement dominant, mais Nidari a une motivation que rien ni personne ne pourra ébranler. Jamais il ne baisse les bras, jamais il n'abandonne, jamais il n'accepte de s'arrêter sur un échec. Pendant l'épreuve de lutte, combat à mains nues contre les autres élèves de la classe, il semble avoir du mal contre le plus corpulent de ses adversaires. Après quelques minutes de combat intense pour ces jeunes enfants, tout âgés de dix ans, Nidari semble perdre le contrôle de l'épreuve, au profit de l'odieux garnement qui ne cache pas sa moquerie et sa provocation.

- T'as pas compris ? T'es trop faible, Nidari !

- C'est toi... qui n'a pas... compris...

Haletant, ses phrases sont coupées par sa respiration :

- Si tu me fais... tomber une fois... je me relèverai... Si tu me fais... tomber dix fois... alors... je me relèverai onze fois... Et si tu me fais... tomber cent fois...

Et de reprendre en criant :

- Alors je me relèverai mille fois !

Cette intensité dans le rugissement lui donne une forte dose d'adrénaline, au point de saisir son adversaire et de le plaquer à terre. Épreuve réussie.

- C'est ça l'esprit d'un vrai soldat ! Hurle Nidari à ses camarades, encore ébahis par son exploit.

Son enthousiasme et sa rage de vaincre ont donné la force à Létaki de se surpasser. En imitant son jumeau, elle se relève elle aussi à chaque fois qu'elle tombe, et, bientôt, elle remporte ses épreuves de lutte, en rugissant de tout ce qu'elle peut son envie de réussir. À ses cris, on ne la reconnaît pas. On ne voit plus la petite fille timide et frêle, pleurnicheuse à en avoir honte. Lorsqu'elle s'énerve, elle adopte un regard des plus terrifiants pour ses camarades de classe, ainsi qu'une posture agressive qui déstabilise ses adversaires. Épreuve réussie.

- ...

- Létaki !

Ce cri de détresse lancé par Nidari alerte le professeur. Létaki qui semblait se calmer peu à peu en évacuant son adrénaline vient de s'évanouir. Emmenée à l'infirmerie, elle respire encore, mais reste inconsciente. Les médecins spécialisés qui la prennent en charge lui font subir tout un tas d'examens médicaux. Rien ne semble grave selon les résultats, pourtant le fait est qu'elle ne se tient pas debout. On lui justifie alors un lourd et soudain épuisement physique et lui prescrit un peu de repos, au calme. Une seule infirmière s'occupe d'elle, et aucune visite n'est autorisée, afin de la conforter dans sa plénitude.

L'infirmière assignée à Létaki conduit Nidari à l'extérieur et le rassure. Elle est médecin et le convainc que son amie s'en sortira indemne. Lorsqu'elle retourne dans la chambre, la petite rose dort toujours. L'infirmière ne quitte pas la pièce et relit une fois de plus le bref rapport des ambulanciers qui l'ont transportée jusqu'à l'hôpital pour essayer de comprendre-

- J'ai réussi l'examen ? Demande fragilement sa petite voix douce en reprenant ses esprit.

L'infirmière est stupéfaite de la réaction de la jeune fille. Elle part chercher ses collègues, puis un médecin qualifié, le docteur Syphoria, la rejoint et s'entretient avec elle. Quelques minutes plus tard, Létaki est sur pied, tout à fait en forme et prête à reprendre son quotidien. Nidari, toujours le premier à rejoindre sa jumelle semblerait l'agresser, si on ne les connaissait pas.

- Alors, qu'est-ce que t'as ?

Dans le hall de l'hôpital, le spécialiste déclare à ses confrères, en la regardant s'éloigner de l'établissement de soins :

- Elle est atteinte du SSB. Pas de remède connu, juste du repos.

- Le syndrome de la schizophrénie berserk ? C'est pas possible ! Conteste l'un d'eux. On n'a même pas une chance sur mille d'en voir un dans notre vie !

- Si tu veux avoir cette chance, va voir le commandant Éminar de la Nouvelle Armée, il n'a pas volé son surnom de Berserk.

Éminar le Berserk est l'un des six commandants de la Nouvelle Armée, un confrère direct de Nujiber la Destinée, en somme. Le fait qu'ils se présentent sous un nom d'usage plutôt que leur nom de famille renforce l'autorité de leur pouvoir au sein de la Nouvelle Armée. Leurs surnoms définissent la qualité qu'ils maîtrisent plus que quiconque et rappellent aux autres soldats les progrès et l'efficacité qu'ils peuvent atteindre dans cette guerre contre les mutants. Dans le cas d'Éminar , le syndrome du berserk est bien ce qui le caractérise en tant que commandant d'armée. Les maladies de ce genre sont déjà très rares, mais chez le commandant Éminar, la schizophrénie berserk est encore différente des autres cas constatés.

- Attendez, le syndrome de quoi ? Demande un interne, plus jeune.

- Habituellement, cette maladie fait perdre complètement connaissance à son hôte lorsque celui-ci est proie à une forte excitation, doublée d'une intense fatigue, ce qui explique le cas de cette frêle jeune fille. Si le sujet possède une morphologie davantage corpulente, il perd simplement conscience, et son énervement n'est plus dominé que par un instinct naturel de survie, se protégeant de toute menace à portée, en développant une force colossale dont le cerveau ne capte même plus les douleurs des efforts. Un peu comme le font les mutants.

- En gros, c'est comme un zombie ?

- Au moins jusqu'à ce que la personne se calme, ou que sa fatigue cesse, ce... "zombie", comme tu dis, est parfaitement conscient de son propre potentiel de survie... conscient de sa force, quoi...

- Je vois, plus la personne est forte, plus son berserk est dangereux... Se résume l'interne. Mais alors comment le commandant Éminar a-t-il pu atteindre ce rang sans être trop dangereux pour les autres soldats ?

- Ça fait partie des choses qu'on ignore encore, petit ! La pathologie du commandant Éminar est différente ! Va savoir pourquoi, mais lui, il reste en grande partie conscient pendant la phase où le berserk développe l'énergie de ses muscles. Ça fait de lui un soldat unique, capable de sauver beaucoup de vies. Son rang de commandant de division lui a été attribué grâce à ces talents uniques de guerrier.

- "Va savoir... pourquoi...", hein...

 

L'année suivant ce diagnostique particulier, l'information, qui a eu le temps de remonter jusqu'au siège d'Atarashî, le camp militaire de la Nouvelle Armée, n'est pas restée sans suite. Il a été annoncé aux dirigeants de la Nouvelle Armée qu'une élève porteuse du SSB allait rejoindre les rangs prochainement. Le commandant Éminar, touché par cette nouvelle, a décidé de rendre visite à cette école de Senshutsu, pour témoigner de ses ressentis de soldats, et motiver ces futures recrues, comme il a l'habitude de faire à chaque fois qu'on déplore un enfant atteint de ce phénomène. Alors que la classe 11 étudie plus en profondeur les stratégies Lygendia I, Lygendia II, et Lygendia III, qui sont des bases de combats, le Berserk fait son entrée dans la salle de cours et se présente, tout sourire, sans respecter la moindre formalité militaire :

- Alors comme ça, j'ai à faire à des gosses de onze ans ?

Stupéfaction totale dans la classe. Tous les élèves sont ébahis de voir en vrai l'un des six commandants légendaires de la Nouvelle Armée. Ils ne l'avaient vu que dans leurs livres, mais à cet instant, il se tenait debout devant eux, comme des privilégiés.

Alors c'est lui, le fameux Berserk. C'est impressionnant comme il peut être calme et détendu alors qu'il côtoie la mort tous les jours en mission. Il faut absolument que je devienne aussi fort que lui pour sauver l'humanité tout entière ! Et si je ne peux pas, au moins pour protéger papa et Létaki !

Après un court speech sur la vocation de soldat et ses dangers, il demande :

- Dîtes-moi les enfants, qui a encore envie de devenir soldat et sauver notre monde ?

Tous acquiescent haut et fort en levant leurs bras. Fier de son intervention, Éminar s'apprête à repartir, mais :

- Mandra, je vous attends dans le couloir.

Prise de cours, Létaki hésite à se lever, puis se décide à rejoindre ce soldat légendaire dans le couloir de l'école. Ils s'isolent tous les deux, à l'abri des esgourdes indiscrètes. Le soldat s'accroupit au niveau de son invitée et se confesse :

- On m'a dit que t'étais une berserk ?

- Euh, oui, je crois...

- Alors écoute moi bien, je vais te dire un secret : ...

 

 

Forêt de Saikô. Sentier montagnard.

 

Dans les montagnes du sud de la région, la jeune solitaire rend régulièrement visite à son acolyte sauvage. Zélyde, qui peine à vivre avec les ressources qui restent encore chez elle, a récemment parlé du recensement militaire au survivant Kerza. Ils ont perdu toute notion de temps, et se plongent profondément dans une préparation militaire en vue de rejoindre la Nouvelle Armée, principalement dans le but d'être nourris, logés, et blanchis contre leur service civique. Zélyde a déjà l'âge d'être enrôlée, mais, apeurée par sa solitude, elle ne se risque pas à rejoindre le camp militaire d'Atarashî toute seule. Alors qu'elle jongle entre sa survie urbaine et ses entrevues forestières et montagnardes avec Kyhx, celui-ci ne travaille qu'à s'endurcir physiquement, ayant déjà appris à survivre dans un habitat naturel animalier aux côtés de scerpiaux* et autres lieusards. Les jours passent et se copient, ne laissant pour différences que leurs progressions dans leurs capacités physiques. Semaine après semaine, ils battent leurs records de pompes soulevées, de squats relevés, et de distance parcourue en course à pied.

- Soixante-huit pompes, cent soixante-dix-sept squats, et vingt-trois kilomètres, aujourd'hui. Et toi ?

- J'en suis à peu près au même niveau que toi, peut-être juste un peu au-dessus, mais rien de flagrant.

En fin de soirée, Zélyde s'épuise et rentre dormir dans sa maison vide, au nord de la ville, à l'ambiance mortuaire. C'est ce moment dont Kyhx profite pour faire son véritable entraînement.

Rien de flagrant... Deux-cent-quatre pompes, six-cent-treize squats, et quatre-vingts kilomètres... Rien de vraiment flagrant, n'est-ce pas ?

Kyhx se met à enchaîner les pompes à une vitesse remarquable, n'importe quel adulte n'est pas capable d'autant. Il est presque arrivé à la deux-centième pompe qu'une affreuse crampe lui dévore le bras droit, le faisant alors tomber à terre. Néanmoins content de lui, il se relève et commence sa série de squats. Une dizaine de minutes à sautiller dans l'ombre de la montagne, sans s'arrêter, puis une crampe jumelle gagne sa jambe droite. Il marque donc une pause au lieu de se blesser, et lorsqu'il reprend une respiration à l'allure standard, il se lance dans un double marathon sur le terrain escarpé et rocheux qui traverse monts et vaux. Courir pendant des heures, c'est le quotidien de ses soirées, le sentier à peine éclairé par la lune lui semble aussi net que de jour. Il parcourt chaque soir le même trajet, s'obligeant parfois à escalader une falaise de quelques mètres, et slalomant entre les pins et les ornières.

Bien qu'ils se voient tous les jours, Kyhx n'en est pas encore à pardonner les cruels actes de Zélyde, pourtant vieux d'une paire d'années. De manière générale, il n'aime pas la compagnie des humains, on dirait qu'il les renie. Elle a bien tenté de savoir pourquoi, lui a demandé maintes fois au cours des ans, mais en vain.

 

Ce gamin, Kyhx, il n'arrête pas de me mentir... Je vois bien qu'il ne fait pas les exercices sérieusement, il n'est même pas épuisé. Je ne sais même pas de quoi il se nourrit et s'il s'inquiète vraiment pour sa survie. Je commence à me demander s'il compte vraiment rejoindre la Nouvelle Armée, ou s'il préfère croupir dans sa montagne. J'ai bien peur de devoir me recenser toute seule... Ça va faire quatre ans que ça dure, je vais devoir lui forcer la main.

 

- Kyhx ! L'appelle-t-elle.

Tous deux droits debout, fixant son unique œil blanc de ses deux yeux. Elle est sûre d'elle, confiante, et pleine de volonté. Quelle que soit sa réponse, elle a déjà pris sa décision. C'est dans ce but qu'elle a passé ces quatre dernières années à se préparer.

 

 

Senshutsu. Établissement de Scolarité Militaire.

 

- Yihah ! Classe douze validée !

- Oui, c'est génial !

- Prochaine étape, Létaki, direction Atarashî et la Nouvelle Armée !

À douze ans, ils viennent de finir les cours théoriques en établissement scolaire. Leurs résultats bien plus qu'acceptables ne sont pas assez mauvais pour être directement recalés. Les deux jumeaux s'apprêtent à rejoindre leurs pères au camp militaire d'Atarashî. Le seul moyen de rejoindre le camp, c'est de voyager via l'Hyper Loop, cette espèce de train souterrain cylindrique qui relie la plupart des grandes villes de la région. C'est à la fois trop loin pour y aller à pied, et trop dangereux de sortir des villes : la campagne forestière est largement infestée de toutes ces créatures sauvages que l'on nomme des "mutants" et un homme lambda n'est naturellement pas de taille à se battre contre la sauvagerie de ces bêtes carnivores.

C'est justement les fonctions principales des soldats de la Nouvelle Armée. Une fois enrôlé, un soldat voue sa vie à son service. Il doit, selon les ordres que son commandant lui donne, protéger les villes et les villages des invasions de mutants pour permettre à la vie civile de se développer, ou partir en conquête de territoires autrefois contrôlés par les hommes, mais envahis par les mutants pendant l'éradication de l'espèce humaine dont la cause est bactériologique : Tiny Blood est inscrite dans toutes les consciences et est un synonyme de mort.

Comme ils ont l'habitude de vivre ensemble et sans parents, les deux jumeaux continuent leur vie de vacances provisoires avant la date du recensement. Ils en profitent pour discuter avec quelques adultes qu'ils connaissent et s'imaginer ce qui les attend là-bas. On leur répond toutes sortes de choses plus ou moins attendues : "Vous allez rencontrer des mutants pour de vrai !", "Il paraît que vous pourrez voir la mer !"... Juste la veille du départ, ils se rendent dans une bibliothèque pour éclaircir ces points, jamais étudiés en profondeur à l'école.

Enfin ! Nidari et Létaki se sont entraînés durement pendant quatre longues années et sont maintenant prêts pour l'évaluation d'entrée de la Nouvelle Armée. Il se rendent tous les deux à la gare de Senshutsu tôt le matin, et finissent leur nuit pendant le voyage. Au terminus de l'Hyper Loop, réveil un peu brutal, tout le monde descend des wagons. Tout autour d'eux, Nidari et Létaki ne voient que des soldats en tenue militaire noire et blanche. Impressionnant ! Bienvenue à Atarashî, le siège de la base militaire de la Nouvelle Armée. Rien que la gare est plus spacieuse que leur ancienne école, jusqu'alors plus vaste édifice dans lequel ils étaient entrés. De quoi attraper le vertige. Livrés à eux-mêmes dans ce monde inconnu, les jeunes adolescents de treize ans doivent se rejoindre aux bureaux des recensements en suivant les panneaux d'indications.

Comme chaque année, tous les postulants à la session de recrutement sont regroupés et encadrés par des haut-gradés. Deux capitaines, les plus hautement gradés de leur division après le commandant, se présentent et les emmènent aux guichets d'inscription.

- Je suis le capitaine Éréyid Backar ! Commence le premier.

- Et moi, le capitaine Zénéïr Backar ! Finit le second.

Connus de tous, ces deux capitaines sont frères jumeaux et ont réussi l'exploit d'être tous les deux au même rang dans la même division. Là où les pères de Nidari et Létaki sont arrivés tous deux lieutenants de la division de la Destinée, ces frères sont arrivés capitaines de cette même division.

Certains des jeunes passent à un guichet spécial, dans lequel sont inscrits les nouvelles recrues qui ont plus de treize ans, ceux qui ont choisi de faire leur recensement plus tard que les autres. On y trouve notamment le nom d'une jeune fille de seize ans, Oxford, et d'un grand gaillard de quinze ans à moitié masqué, Kerza. Toutes les recrues sont ensuite conduites à la grand-place du campement, puis les deux capitaines leur demandent de patienter quelques instants. Le brouhaha ambiant conforte les nouvelles recrues à discuter entre elles le temps qu'elles soient accueillies par le groupe de personnes qui s'avance justement sur le monticule devant elles. Personne n'ignore de qui il s'agit, même les nouvelles recrues ont réagit au quart de tour. Face à six grandes figures de la Nouvelle Armée, tout le monde s'arrête de brailler pour écouter attentivement ceux qui incarnent leurs idoles de combat. Les six commandants de la Nouvelle Armée prennent place sur la butte pour prendre un peu de hauteur et ainsi dominer leur public. Ils savent bien qu'il n'ont pas besoin de se présenter.

Tukh l'Armure, tout à gauche, pas spécialement grand, mais sa carrure parle pour lui.

À côté de lui, Akorith l'Illusion, un air moqueur et taquin, il est connu pour son agilité et sa rapidité d'action.

Un peu plus à droite, Éminar le Berserk, toujours souriant, il semble chercher quelqu'un du regard, dans cette foule de gamins prête à s'armer.

À son épaule, Frigueste le Génie, ce jeune exploit de la Nouvelle Armée garde un air méprisant pour écarter les moqueries que pourrait provoquer le contraste entre son jeune âge et son rang.

Tout à fait à droite et très discret, Hyxarkon l'Omniscient reste un peu en arrière, il balaie tout ce petit monde de sa vue perçante, puis ferme les yeux, comme pour attendre la fin d'une tirade ennuyeuse.

Enfin, au milieu de ces têtes d'affiches, Nujiber la Destinée s'avance clairement, et de son air sérieux et son ton grave, il accueille les nouvelles recrues à sa manière :

- Vous n'êtes pas les bienvenus à Atarashî !

 

 

* Le scerpial [s??pial] est une espèce de mammifère quadrupède dont la taille est proche de celle de l'être humain.

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