Chapitre IV) Rookies of the year 2

Rookies of the year 2

Les deux capitaines frères étant occupés avec les nouvelles recrues prometteuses, le reste de la promotion de cette année est encadrée par les lieutenants de la division de la Destinée. Létaki reconnaît fièrement son père, ainsi que celui de Nidari. Pendant que les recrues prometteuses sont affairées autre part, les lieutenants prennent le relais et conduisent les jeunes à l'intérieur. De retour dans le réfectoire, certains piquent du nez tant l'épuisement les a sciés. Les quatre lieutenants compatissent et ne réprimandent personne. Ils commencent simplement leur discours à voix forte et claire pour garder les esprits attentifs, enseignant aux nouvelles troupes le règlement de la Nouvelle Armée et les codes à respecter.

Dans chaque paire de capitaines et chaque quatuor de lieutenants, on devine implicitement une sorte de classement. Quand plusieurs haut-gradés de même rang et de même division sont ensembles, celui qui a le plus d'expérience semble présider sur les autres mais cela n'a rien d'officiel, il ne s'agit simplement que des ressentis des soldats. Dans le cas présent, un homme d'une très longue chevelure bleue s'avance et se présente, comme s'il était le meneur des meneurs.

- Je suis le lieutenant Xérétas Kappa. Vous... Bon, vous, vous n'êtes pas grand chose, pour l'instant. Mais vous allez tous être répartis très bientôt dans les six différentes divisions de la Nouvelle Armée.

Il avait commencé banalement, avec une manière de parler plutôt familière, puis, comme s'il s'en était rendu compte, il se racle un coup la gorge et reprend, avec un langage peu plus soutenu :

- Vous agirez alors en tant que soldats enrôlés, et sans broncher, vous obéirez aux ordres de vos supérieurs. Vous devrez respecter les indications des quatre lieutenants de votre division, et de votre division uniquement ! Les seules voix qui passent outre les paroles de vos lieutenants, ce sont celles des capitaines, même si ce ne sont pas ceux de votre division ! Compris ? Naturellement, les ordres des commandants sont prioritaires.

- Par exemple, nous quatre, lieutenants de la division de la Destinée, n'avons aucun pouvoir sur vous tant que vous ne faîtes pas partie de la même division que nous ! Clarifie le lieutenant Greg Mandra, le père de Létaki.

- On n'a pas d'ordres à vous donner, mais vous avez le droit d'écouter nos conseils... Suggère doucement le discret lieutenant Kenshin Atory.

- Par contre, les capitaines pourront vous donner des ordres, quelle que soit la division dont ils font partie ! Confirme Joachim Nakar.

Enchaînant les tirades et les exposés, les quatre lieutenants leur exposent les différentes missions que ces nouveaux soldats seront amenés à exécuter.

Les missions les plus fréquentes sont les expéditions de reconnaissance et de maintien de territoire. Le but final de ces expéditions est de reconquérir une ancienne ville tombée et d'en restaurer ses ruines. C'est de cette façon que le territoire humain peut s'agrandir et étendre sa population, récupérant matériaux et autres technologies. Ces missions prennent parfois plusieurs générations avant d'être totalement réussies, et les différentes étapes sont minutieusement étudiées pour minimiser la perte sur le gain prévu.

En premier lieu, il s'agit d'assurer une activité humaine régulière dans ces anciennes villes, tombées en ruines après l'invasion des mutants, afin d'habituer ces habitants nuisibles à la présence de soldats entraînés et capables de s'en défendre. Ainsi, instaurer la domination de l'homme sur ces mutants est lentement possible. En effet, dans les décombres de ces villes fantômes, les mutants ont élu domicile, et il est difficile de tous les déloger pour reconquérir ces cités et d'en restaurer les bâtiments. Les postes avancés installés sur place abritent en permanence plusieurs escouades de soldats, et puisque ces sentiers urbains se trouvent à l'extérieur de la région, c'est-à-dire dans Heiya*, chaque bataillon doit être accompagné d'au moins un haut-gradé pour en assurer l'ordre et la protection. C'est la principale responsabilité des lieutenants.

C'est vrai, on a étudié ça à l'école... Heiya et ses dangers... Seul un soldat bien entraîné et expérimenté peut se permettre de s'y aventurer. Les professeurs nous avaient déjà enseigné que les mutants sont plus facilement impressionnés quand il y a des bâtiments qu'il ne connaissent pas aux alentours, ou quand ils font face à un grand nombre de soldats. Un par un, nous sommes faibles et ne savons pas faire face à ces mutants. Il n'y a que les haut-gradés qui savent gérer ce genre de situation... Je suis sûre que Nidari deviendra lieutenant un jour !

 

Viennent ensuite les missions d'exploration qui sont presque exclusives à la division du commandant Akorith l'Illusion. Cet habile commandant recrute ses membres parmi les soldats les plus aptes à se tirer d'un danger. Savoir se déplacer rapidement, à pied comme à moto, relever discrètement des informations sur la localisation des mutants en s'aventurant sur un terrain hostile, et même coopérer avec des soldats d'autres divisions et les intégrer à leur propre stratégie, chaque groupe de la division de l'Illusion connaît le rôle qu'il a à jouer dans les missions de reconnaissance.

Leur travail permet de cartographier la région tous les jours un peu plus, tous les jours un peu mieux. Aussi, l'expansion du territoire ne doit pas se limiter à la conquête de nouvelles cités ruinées, mais à la création complète de nouvelles villes. Un poste avancé, initialement créé pour l'exploration, s'il est installé en pleine sécurité, a de fortes chances de se développer et de devenir village. La raison de la rareté de ces transformations réside dans la "pleine sécurité" de Heiya.

Le commandant Akorith part régulièrement effectuer ces missions en solitaire, car en mission de groupe, il dupe souvent ses propres collègues, sans le savoir, en se faufilant si rapidement et silencieusement entre les ruines éventrées des villes antiques, que là où on le cherche, il n'y est déjà plus : c'est la renommée de l'Illusion...

 

D'autres missions, de nature urbaine, peuvent également être imposées par les haut-gradés. La protection civile est perpétuellement nécessaire, pour repousser les mutants les plus téméraires qui essaient d'infiltrer les villes industrielles. Les campagnes qui bruissent autour des villes s'appellent le Torêningu*, et abritent plus de mutants dans leurs petits bois que les villes elles-mêmes n'accueillent d'habitants. Les patrouilles militaires au sein des villes sont donc naturellement indispensables. C'est aussi lors de ces missions urbaines qu'est assurée la milice, cet engagement qu'ont les soldats à maîtriser et solutionner les dangers urbains, comme l'arrestation des bandits malfaiteurs, ou le sauvetage de malheureux survivants d'accidents industriels qui les ont épargnés sur le moment.

Des hommes méchants... Comme l'étaient ces enfants qui me harcelaient jusque dans la rue ? Je n'ai pas envie de revivre ces moments-là, moi... Je ne veux plus qu'il y ait de méchanceté dans les villes...

"Ne t'en fais pas, ça ira..." S'imagine-t-elle entendre soudainement de la part de son jumeau.

Létaki tourne la tête, mais se rend bien compte que Nidari n'est pas avec elle.

 

Justement, dans la grande réserve, pas si loin, vingt personnes se tiennent debout, les unes attendant beaucoup des autres. Douze enfants, entre treize et seize ans, ne savent pas ce qui les attend, et six hommes de tailles et de corpulences semblables, bien que légèrement différentes, sont vêtus de sorte à ce qu'on ne les reconnaisse pas. Les capitaines frères exposent aux nouvelles recrues prometteuses leur dernière requête :

- À tour de rôle, vous choisirez votre arme et combattrez un adversaire inconnu. Votre but est de maîtriser votre cible comme si votre vie en dépendait.

- D'ailleurs, votre vie en dépend. Vous serez constamment en danger de mort à l'extérieur du camp. Comme vous avez du potentiel, on veut vous pousser au maximum de vos capacités.

La première recrue à s'avancer, un brin trop sûr de lui, attrape une épée et se présente devant son adversaire cagoulé.

- Ton adversaire n'a pas d'arme, on regarde comment tu réagis à la situation.

Un peu surpris qu'on lui laisse un avantage certain, le jeune garçon ne se déconcentre pas, sans pour autant prendre l'exercice au sérieux. Il attend de recevoir la première offensive pour répliquer, mais elle se fait attendre. Il se redresse et déplace son regard vers la gauche, où se tiennent les capitaines, comme pour demander ce qu'il se passe. Cet instant lui aura suffit pour relâcher sa garde assez longtemps et se faire surprendre par l'approche rapide de son opposant. Par réflexe il recule et empoigne sa lame fermement de ses deux mains. Il se repositionne correctement pour contre-attaquer, mais à peine prend-il appui sur son pied droit pour lancer l'assaut qu'il est stoppé par une main gauche gantée qui vient se ventouser à son visage, et sa sœur droite le désarme assez lamentablement d'un coup de tranche sur les poignets. Le fracas du fer sur le sol sonne comme le glas de la défaite qu'il vient de subir. L'inconnu est très rapide et assez agile pour savoir s'approcher aussi près sans risquer de se faire blesser. Une seconde chance est offerte au jeune homme, il ramasse alors son arme et, provoqué par le mépris qu'éprouve son adversaire à son égard, il s'applique à mener un vrai combat. La deuxième manche commence et les échanges de coups sont plus intéressants, bien mieux calculés et avec plus d'envie de réussir. Cependant, n'étant qu'une nouvelle recrue, pas un seul coup d'épée n'atteint sa cible, et il finit ventre à terre, à mâcher du gravier. Les capitaines le félicitent, néanmoins, et appellent le suivant.

Le même déroulement se produit avec la première moitié des prétendants, combattant les autres hommes cagoulés, tous aussi forts techniquement les uns que les autres. Des épées, des hachettes, des katanas et des masses fracassent le sol au fur et à mesure que leurs porteurs avalent la poussière qui le recouvrait.

Quand arrive le tour de Zélyde, elle ne trouve pas non plus la force de se prendre au sérieux à la première rencontre. De faibles mouvements mous et sans conviction n'offrent aucun danger. C'est sur l'un de ses coups les plus prévisibles que son opposant attrape le manche de son épée et se sert du tranchant pour détacher une mèche de cheveux à la jeune demoiselle. Furieuse, celle-ci s’énerve quelque peu et se décide enfin à se battre de bonne foi.

- Trop tard, il l'a attaché... Murmure Kyhx, sans être entendu.

L'affrontement semble battre son plein, les offensives de Zélyde sont de plus en plus précises, elle semble sur le point de réussir à toucher l'homme qui évite ses coups depuis plusieurs minutes déjà. Elle est si proche d'atteindre son but que c'en est irréel pour les recrues précédentes. Sa rage impressionne, et elle a envie de hurler une bonne fois pour toute.

- T'emballe pas, c'est fini ! Affirme Kyhx d'un ton sûr de lui.

Le combat se stoppe et tous les regards qui se fixent sur lui semblent l'interroger. Il reprend alors :

- T'étais pas attentive au début du combat, Zélyde, et ton adversaire en a profité pour attacher une espèce de fil très fin au manche de ton épée. Depuis tout à l'heure, il ne fait que dévier tes coups, aussi précis soient-ils, et ne fait que semblant de les esquiver.

Personne n'en croit ses oreilles, même en regardant très attentivement, aucune des recrues prometteuses ne parvient à distinguer le moindre fil. Et pourtant, d'un geste brusque du bras gauche du combattant masqué, sans toucher à l'épée de Zélyde, celle-ci s'arrache de ses mains et vient durement se cogner contre une poutre en métal. Encore ce son strident qui résonne dans le hangar et annonce un échec. Alors que les jeunes voix sont émerveillées par ce qui ressemble à de la magie, le jeune homme, sous son masque l'avoue :

- Je suis impressionné que tu aies vu ce nylon, sincèrement. Mais il te reste du travail avant de remarquer les quatre autres.

À peine le temps de comprendre que cela signifie, que d'un revers de l'autre bras, il fait valser la pauvre jeune femme en l'air et la fait atterrir non sans mal face contre terre, à mordre la poussière elle aussi. Après quoi, il détache les quatre fils de nylon qui le reliaient aux poignets et aux chevilles de Zélyde. Kyhx s'est aussi laissé surprendre par ces discrets stratagèmes, c'est la première fois qu'il paraît aussi ahuri, que sa pupille blanche s'est autant rétractée.

Passant parmi les derniers, c'est enfin au tour de Nidari de se mesurer à l'un des talents de combat masqués. Il a bien examiné les précédentes confrontations, et a noté les erreurs à ne pas reproduire. Lui aussi s'équipe d'une épée et adopte, dès le début, une posture agressive, laissant le moins d'ouvertures possibles. On pouvait s'y attendre, le commencement du duel est plutôt calamiteux. Nidari n'a que treize ans, et ne s'est pas échauffé. Ses coups sont lents et ont peu de force. De quoi dévier sa lame à mains nues. Mais très vite, il se reprend en main. Il se souvient des leçons de son père, mais aussi de son entraînement avec Létaki, et ne ménage pas ses efforts. Le style de combat qu'utilise son adversaire lui semble familier, bien que très complexe. Il s'habitue rapidement à recevoir certains coups de pied, et parvient même à en anticiper d'autres. Ces esquives, pour la plupart de justesse, lui permettent de prendre un semblant d'avantage, mais qu'il n'arrive pas à confirmer. Il étudie cependant le jeu de jambe adverse, petit à petit, et soudain, le pari gagnant : il anticipe le coup venant de la droite, le bloque avec le manche de son arme et balance sa jambe droite en arrière en pivotant sur son pied gauche. Touché au flanc ! Surprise générale, tant chez les apprentis que chez les adultes ! C'est la première fois dans toute l'histoire de la Nouvelle Armée qu'une recrue prometteuse porte un coup non paré à son opposant lors de cette épreuve spéciale !

- Comment as-tu su ? Demande la voix à moitié étouffée par le masque.

- Ça fait quatre ans que je travaille ce coup-là avec une amie, j'espérais bien que mon entraînement ne serve pas à rien !

Cette réponse vantée lui vaudra tout un arsenal de feintes et une ruée de coups non retenus aussi rapides que nombreux, de la part de son adversaire. En très peu de temps, le fils Nakar tombe, sous la douleur de ses bleus. Il est tout de même félicité et capte des yeux intéressés. Fier de sa prestation, il s'écarte pour laisser place.

En dernier, Kyhx, qui s'avance sans avoir attendu qu'on l'appelle, choisit le katana, parmi les armes qui lui sont proposées, mais très vite, en faisant face à son adversaire, il laisse tomber son arme sur le sol. La résonance du métal n'annonçait pas une défaite, mais plutôt une envie d'en découdre à mains nues. Il est le premier à réussir à provoquer la cagoule contre qui il se bat au point de la forcer à agir en premier. Malgré une vivacité extrême, l'homme masqué ne réussit pas à porter beaucoup de coups à la nouvelle recrue. Kyhx est lui aussi très vif, et sait déjà lire les mouvements de son opposant, au point de savoir parer la plupart des coups de poings, de pieds et autres agressions qui lui sont portées. Il est aussi surprenant de le voir se battre à quinze ans sans arme contre un adulte visiblement entraîné, avec un œil bandé, que de le savoir aussi calme et serein, encaisser des coups sans broncher et tenter des frappes dans le vide sans s'énerver. Tous les deux commencent à être échauffés, sautillant sur place, pour parfaire leurs appuis, tentant pour l'un de pousser l'autre à bout, qui essaie simplement de porter un coup. Certains crieront au coup de chance, comme pour Nidari, mais Kyhx parvient lui aussi à surprendre ses évaluateurs en frappant juste, en plein dans le visage, après une cabriole pour esquiver une manchette. Cette deuxième surprise n'était pas attendue, mais Kyhx ne s'arrête pas là comme Nidari, et profite de l'effet de déconcentration pour prendre le dessus sur son adversaire et lui asséner plusieurs autres coups de latte et uppercuts bien placés devant les regards impressionnés. Sa domination n'aura duré que quelques secondes, avant que ses coups ne soient à nouveau contrés et d'être battu à plate couture dans la minute suivante, lorsque l'autre combattant, enfin devenu sérieux aura décidé de mettre fin à l'affrontement.

L'épreuve spéciale des recrues prometteuses est enfin terminée. Les masques sont ôtés et les jeunes découvrent qu'ils se sont battus avec les six commandants de la Nouvelle Armée. N'ayant pas d'instinct de guerrier, aucun d'entre eux n'avait la moindre chance, même armé, de blesser un vétéran qui s'est échappé de la mort plus de fois qu'un enfant a pleuré dans toute sa jeunesse. Les nouveaux arrivants se sentent un peu gênés de ne pas avoir su faire preuve de plus de professionnalisme devant leurs idoles de guerre. Pour ne pas trop bercer ces jeunes au potentiel certain, les commandants décident de limiter les félicitations à un certain jeune garçon au cheveux noirs mi-longs, qui a su faire preuve d'un talent insoupçonné, ainsi qu'à ce fameux borgne blond au regard vide.

- Ton nom.

Nujiber la Destinée pointe Nidari de son doigté princier, et celui-ci répond en bafouillant :

- N... euh, Ni... je suis Nak... Nidari Nakar.

- Ah vraiment ? Le fils du lieutenant Joachim Nakar, de ma division ?

- O-Oui !

- C'est un honneur d'avoir dans mes rangs un lieutenant talentueux et de compter sa descendance parmi les meilleurs de son recensement. Nakar, vous avez une chance inouïe d'être celui que vous êtes.

- Je le sais ! Et je ne gâcherai rien ! Répondit-il fermement.

- Bien ! Et toi ? Reprend Nujiber en fixant l'autre jeune exploit.

- Kyhx... Kerza... Se présente-t-il froidement.

- Kerza... répète la Destinée, en se tournant vers son acolyte au cheveux d'argent. Hyxarkon... ?

Nujiber la Destinée n'a pas le temps de finir la question qu'il allait poser que son compère, Hyxarkon l'Omniscient le coupe, d'un air agacé et fatigué, et en fuyant du regard.

- Mouais, ouais... C'est un gars bien, ce petit...

Devant l'incompréhension la plus totale des autres personnes présentes, et le fait qu'Hyxarkon l'Omniscient semble se diriger vers la sortie pour quitter l'endroit, Nujiber la Destinée comble le blanc.

- C'est tout pour ce soir, rejoignez vos dortoirs, vous serez répartis dans vos divisions dès demain matin, c'est-à-dire dans quelques heures, et commencerez vos missions aussitôt.

Sur ce, les recrues prometteuses sont invitées à finir leur soirée dans leur chambre en compagnie du reste de la promotion, chargée de leur faire part du discours que les quatre lieutenants de la Destinée leur ont présenté. En sortant du hangar et en direction du bâtiment 17, quelques uns des jeunes enfants débriefent sur leurs prestations, mais Nidari est rapidement stoppé, agrippé au bras droit. Il se retourne et voit le commandant Éminar le Berserk face à lui.

- Ton amie, c'est bien Létaki Mandra ?

- Tout à fait, mais comment l'avez-vous deviné ?

- Je vois... Répond le Berserk dans un soupir amical. Je vais t'expliquer : Létaki Mandra est atteinte du SSB, comme moi. On a une façon très personnelle de nous battre, nous les berserks, et c'est pour ça que tu as su lire mon jeu de jambe et prédire mon coup de pied. En clair, si tu n'avais pas eu la chance de m'affronter, tu n'aurais sûrement pas pu accomplir cet exploit et ton talent n'aurait pas été aussi remarqué. Ne lâche rien, tu vas devenir un bon soldat, je te vois lieutenant bien plus rapidement que les autres.

Nidari ne sait pas quoi répondre. Il est à la fois déçu que son titre de première meilleure nouvelle recrue prometteuse de l'histoire de la Nouvelle Armée ne soit due qu'à un coup de chance, et à la fois flatté du compliment qu'il a reçu du commandant Éminar. Cherchant ses mots, mais ne trouvant que dire, il n'a pas le temps de remercier le commandant qui s'en retourne dans la pénombre de la nuit, laissant le jeune Nakar rejoindre ses pairs. Il reste discret sur sa courte entrevue avec le Berserk, et s'incruste dans les discussions du reste du groupe. De nouveau agrippé par le bras droit, il se retourne encore, mais cette fois, c'est à Zélyde qu'il fait face.

- Viens vite ! Lui dit-elle en chuchotant et en l'entraînant vers les dortoirs à toute allure.

- Attends, qu'est-ce que t'as ? L'arrête-t-il.

- Souviens-toi de ce que le capitaine Zénéïr a dit !

- "Si votre supérieur vous impose une tâche à accomplir dans l'heure, faîtes en sorte qu'elle soit terminée dans la minute."

- Le commandant Nujiber nous a convoqué demain matin, mais il a précisé "dans quelques heures" !

Nidari semble devoir réfléchir quelques secondes avant de comprendre ce qu'elle a voulu dire.

- ...

- ...

- ... ! Ah ! Mais faut faire vite alors !

- Oui ! Ça y est, tu percutes ? J'en ai parlé aux prometteuses, mais il faut prévenir tous les autres de se tenir prêts !

Tous deux détalent en direction du 17. Pendant leur course effrénée, Nidari s'interroge sur le choix de Zélyde.

- Si t'en as déjà parlé aux autres, pourquoi tu as choisi d'aller jusqu'aux dortoirs avec moi ?

- Parce que de toute la promotion, c'est toi qui représente le mieux l'entraide et la coordination entre les soldats ! Répond-elle entre deux inspirations.

- Mais pourquoi m'avoir attendu ? Tu aurais gagné du temps si t'étais partie toute seule ! Les autres, sur place, m'auraient prévenu, non ?

Toute seule...

Zélyde perd peu à peu de la vitesse, et son regard, droit devant elle, se perd. Nidari la réveille, entêté d'obtenir une réponse.

- Alors ?

- Je te parlerai de ma solitude... de ça plus tard, si tu es assez fort pour survivre jusque là ! Finit-elle avec un sourire en coin.

En plein effort, il n'entend pas l'intégralité de la phrase, juste de quoi comprendre que ce n'est pas le bon moment pour les questions inutiles.

Une fois arrivés, ils parcourent les très longs couloirs du l'établissement, sur les deux étages habités en frappant à toutes les portes pour faire sortir leurs camarades de leurs chambres.

 

 

 

À l'extérieur, seule la lune éclaire naturellement le ciel noir scintillant. Les six commandants se sont réunis sur la grande butte, éclairée par quatre hauts et puissants projecteurs. Ils débattent sur les recrues prometteuses. Tukh l'Armure voit le potentiel dans le physique brut.

- L'endurance et la force de Kerza sont impressionnantes, je n'espère pas devoir remplacer un de mes capitaines, mais je le vois très bien en suivre un dans peu d'années.

Akorith L'Illusion est conscient de la réactivité de Kyhx, pour lui avoir fait face dans un duel mémorable, à peine quelques minutes auparavant.

- Kerza est tout ce qu'il y a de plus rapide dans le recensement de cette année. Ses réflexes sont impressionnants, pour un môme de quinze ans. Avec le temps, il va s'améliorer et ne saura pas attendre tes tanks, Tukh !

Éminar le Berserk se voit plus attiré par les jeunes jumeaux, et ne s'intéresse pas qu'aux exceptions.

- J'apprendrai à la fille Mandra à se maîtriser, et le fils Nakar est très bon aussi, il faut compter sur eux deux.

Frigueste le Génie se penche plutôt sur une autre figure, qu'il vient justement d'affronter.

- À voir les résultats théoriques de Zélyde Oxford, elle n'a pas été sérieuse à l'école, si elle y est allée. Mais elle a une excellente capacité à prendre des décisions rapides et intelligentes. Il faut qu'elle prenne les décisions du groupe dont elle fera partie.

Nujiber la Destinée, lui, est très intéressé par les deux exploits du recensement de cette année.

- Kerza et le fils Nakar ont tous les deux une destinée particulière à réaliser. Pour eux-mêmes et peut-être même pour tout ce qu'il reste de l'humanité. Ils sont si exceptionnels, que les forcer à s'adapter à un groupe qui ne les suit pas reviendra à limiter leur potentiel. Évitons le gâchis, messieurs.

Tous les cinq débattent en avançant leurs arguments, puis le sixième, Hyxarkon l'Omniscient, resté muet jusqu'alors, les fait taire sans état d'âme.

- Je ne vous laisse pas d'autre choix d'attribuer à Kyhx...

Il a commencé sa phrase assez faiblement, d'une humeur glaciale, et le fait d'avoir appelé Kyhx par son prénom a fait tiquer les autres commandants, mais il ne semble pas s'en préoccuper. Il termine ensuite sa phrase avec plus de conviction.

- ...une autre division que la mienne !

 

Les autres commandants n'ont plus le temps de débattre sur la question, les nouvelles recrues débarquent sur la grand-place, au pied du monticule où ils se tiennent justement. Il est vrai qu'ils étaient sur le point de convoquer ces jeunes recrues en pleine nuit, mais ils ne s'attendaient clairement pas à ce qu'elles se présentent d'elles-même.

- Qui vous a permis ?

Zélyde s'avance et s'exprime clairement.

- C'est vous, commandant Nujiber, qui nous avez convoqué ici et maintenant. Je me souviens que vous nous aviez averti qu'on serait enrôlé dès demain matin, et demain matin, c'est dans huit heures, environ. Je me souviens aussi du conseil que nous a donné le lieutenant Zénéïr Backar, convertir les heures exigées en minutes. C'est pourquoi, avec Nidari, nous sommes allés avertir nos compagnons, question de cohésion de groupe, et d'entraide, au sein de l'organisation militaire dont nous faisons partie.

Tous les jeunes recensés retiennent leur respiration, ne sachant ce que vont répondre les commandants. Eux-mêmes ne savent pas vraiment comment réagir à cette décision, prise sans ordre direct.

- Tu es donc la seule responsable de ce mouvement de foule nocturne, sans autorisation ?

- Oui, commandant.

Nujiber et Zélyde se regardent fixement dans les yeux, c'est à qui cédera en premier. La prestance du commandant en chef est si imposante et son regard dominateur si intense que la jeune femme tremble d'efforts pour se tenir droite. Même ses camarades ressentent le poids du silence et commencent à mal supporter cette tension palpable. On ne sait plus si les cheveux rouges du commandant sont naturels ou emplis d'une quelconque colère.

- C'est une très bonne décision, Zélyde Oxford ! La félicite enfin Frigueste le Génie.

Puis, tout bas, à ses compères :

- Vous voyez qu'elle prend de bonnes initiatives. Elle comprend vite cette petite. Elle ira loin...

Avant de reprendre plus fort :

- Allez, organisez-vous en groupe de quatre. On va vous répartir dès maintenant entre nos six divisions. Traînez pas, dépêchez-vous !

Aussitôt demandé, aussitôt exécuté. Ce jeune commandant de vingt-et-un ans a puérilement frappé dans ses mains pour presser ces enfants, qui se cherchent les uns les autres, pour former des quatuors avec ceux qu'ils connaissent déjà un peu et s'entendent bien ensemble. Naturellement, Létaki s'agrippe au bras droit de Nidari qui lâche en plaisantant :

- Mais qu'est-ce que vous avez tous avec mon bras, là ?

Zélyde s'approche d'eux complètement épuisée de sa bataille de regard avec le commandant Nujiber. Même après avoir relâché toute la pression, elle en tremble encore, peu habituée à de telles exigences mentales.

- Je peux venir avec vous ? Demande-t-elle, chevrotante.

- Bien sûr, mais il y a quelqu'un devant qui je ne veux pas perdre la face.

Cherchant du regard cet étrange énergumène qui reste finalement planté sur place, les bras croisés et l'œil fermé, à attendre que quelque chose se passe. Une main se pose sur son épaule gauche. Il tourne alors la tête, ouvre son œil de cyclope et écoute son compère.

- Kyhx, tu viens avec nous, je vais te montrer ce que je vaux vraiment !

- Si ça te chante...

Lui, c'est Kyhx Kerza, je me fiche qu'il m'aie volé la vedette à l'examen spécial. Tout a l'air de lui réussir, ici, mais il ne se soucie jamais des autres. Je vais lui montrer qu'il n'est pas le meilleur. Je vais le surpasser et devenir un jour lieutenant, puis capitaine, et enfin commandant !

- Ne serait-ce que pour te prouver que la force de ta solitude n'est pas infinie ! Pense-t-il tout haut, sous les yeux étonnés des spectateurs.

L'attitude de son rival fait froncer ses sourcils à Nidari, agacé par le manque de considération de Kyhx envers les siens. Il marmonne quelques injures à peine audibles, tassées par le bruit ambiant de la foule qui se meut sur place dans la nuit. Les commandants dévalent lentement la butte et passent entre les groupes. Ils examinent ainsi la composition des groupes et choisissent ou non de les compter parmi leurs membres. Sylvain Morcki est honoré de faire partie de la division de la Destinée, qu'il considère supérieure aux autres, sans argumentaire valable. Mélyne Semia, assez timide de nature est soulagée de faire partie de la division d'Éminar le Berserk, personnage au grand cœur et toujours souriant. Lorsque les commandants frôlent le groupe de Nidari, aucun ne se décide à les choisir, chacun obéissant à l'ordre qu'Hyxarkon l'Omniscient leur a imposé juste avant.

- Nidari Nakar...

À l'appel de son nom, le groupe se retourne vers ce commandant discret et vide d'enthousiasme.

- ... Kyhx Kerza, Zélyde Oxford et Létaki Mandra. Vous intégrez mon armée.

Une courte phrase, mais qui veut en dire beaucoup. Désormais tous les quatre sont réunis dans la même division militaire, mieux encore, ils devront agir comme un seul corps d'armée, se coordonnant tous ensemble et s'aidant les uns les autres.

La division du commandant Hyxarkon est réputée pour être moins peuplée que les autres. C'est Hyxarkon lui-même qui a choisi cette restriction. À l'école, on a vu qu'à ce jour, les missions confiées aux soldats de cette division sont connues pour être particulièrement difficiles, et dangereuses. Mais paradoxalement, c'est Hyxarkon qui déplore le moins de pertes militaires, proportionnellement à la taille de son armée. Je pense qu'Hyxarkon a un don pour bien connaître les limites de chacun de ses soldats et les pousse à se dépasser. Ça fait quand même peur de devoir l'écouter à la lettre sans réfléchir, pour pouvoir survivre dans ce monde si dangereux.

Une fois leur ronde terminée, le commandant en chef annonce :

- Vous êtes désormais des soldats. Votre statut de nouvelle recrue ne vous autorise cependant pas à quitter le camp sans l'accompagnement d'un gradé. Chacun de nous vous assignera des missions sans vraiment tenir compte de votre grade, alors veillez à ne pas mourir bêtement en agissant par stupidité.

Cette dernière information fait frissonner les jeunes militaires, devenus enfin des soldats à part entière. À partir de maintenant, le risque de mort fera partie de leur quotidien, pas le temps d'échouer, tout doit être réussi dans les jours qui arrivent.

- Extinction des feux.

Comme si c'était une commande vocale, les grands projecteurs se coupent, et tout ce petit monde se retrouve plongé dans une obscurité pas si totale, guidé par l'unique rayon lunaire. Il est temps d'aller terminer la nuit dans un court repos jusqu'au lendemain matin où la réelle vie de soldat attend ces nouvelles recrues. Simplement le temps de féliciter Zélyde pour sa finesse d'esprit, la fatigue agrippe Nidari, pas seulement par le bras, et l'attache au drap du matelas par le cadenas de ses paupières closes. Létaki, elle aussi exténuée, le borde comme une maman, fière de s'occuper de lui comme il s'est toujours occupé d'elle. Elle rejoint ensuite son lit et se perd dans ses pensées. À choisir, elle aurait sans doute préféré faire partie de la division de la Destinée, comme son père, le lieutenant Greg Mandra, où celle du Berserk qui avait montré un intérêt certain pour elle, quelques années en arrière, à l'école de Senshutsu. Au final, elle se console en ayant réussi à ne pas se séparer de son frère de cœur, et ça compte beaucoup pour elle.

De retour dans sa chambre, Zélyde est accueillie comme une princesse.

- Ma douce et belle sauveuse ! Sans toi, je n'aurai jamais su que les commandants nous avaient convoqués cette nuit ! Tu mérites-

- Lâche l'affaire, Morcki, je vais dormir, on reparlera demain, hihi... Le coupe-t-elle avec un petit rire étouffé dans le creux de sa main, et des yeux en diamants, plissés.

- Euh... ok... à demain...

Elle appuie sur l'interrupteur de la lampe pour l'éteindre. Un puissant silence se fait sentir avant qu'il ne daigne faire remarquer  :

- Euh... je vois plus rien, là, tu peux rallumer ? Je suis pas couché, moi.

Il n'obtient qu'un léger gémissement en guise de réponse.

- "Démerde-toi, tu me fais chier.", c'est ça, hein ? Très bien, je relève ton défi et tu verras de quoi je suis capable.

Avec sa lourdeur habituelle, Sylvain ne tarde pas à provoquer un boucan d'enfer dans la chambre, bousculant commodes, lampes et étagères pour enfin finir sur son autel de sommeil. Lassée de ce vacarme assourdissant, Zélyde rallume la lumière, autant pour qu'il puisse voir où mettre les pieds, que pour qu'elle puisse admirer l'ampleur du désordre qu'il venait d'accomplir. Toutes les affaires du fanfaron sont éparpillées par terre, et les meubles qu'il a bousculé ont bougé de quelques centimètres. Il a déjà atteint son lit, mais dans le mauvais sens : la tête aux pieds et les pieds sur l'oreiller. Blasée de la situation plus embarrassante qu'humoristique, la demoiselle pourpre soupire son dédain et coupe l'éclairage une bonne fois pour toutes, se rend-elle au lendemain.

À son habitude, Kyhx ne se couche pas immédiatement. Bien que l'heure tardive l'appelle à se reposer, il surveille au loin la lueur mourante de la lune. Tourné de dos, et dans l'obscurité, il entend la timide voix de Mélyne lui souhaiter la bonne nuit, rompant ainsi ce sourd silence, le temps d'une courte seconde.

Il fixe le lointain d'un œil pensif.

- "on se revoit bientôt, ne meurs pas, Kyhx..."

- "Les mutants ne sont pas méchants... Souviens-t'en !"

- "Vous allez préférer vivre une vie de misère plus tranquille, à l'intérieur des villes, plutôt de risquer votre vie au combat."

Ce sont les trois phrases qui tournent encore en boucle dans son esprit. Trois phrases qui l'ont affecté directement lui, plus qu'aucun autre. Est-ce à ça qu'il se raccroche ? Sa différence, c'est peut-être ce qui le motive au point de réaliser des prouesses qu'aucun autre n'est capable d'accomplir. Il est temps pour lui d'enfin reposer ses guibolles dont il devra se servir demain en mission. Elle fait semblant pour ne pas déranger, mais Mélyne reste inconsolée à la vue de son camarade et ne trouve pas le sommeil qu'elle cherche et dont elle a fortement besoin ce soir.

 

 

Même la deuxième fois, la surprise du clairon dans les enceintes des chambres est toujours totale ! Quelques heures de sommeil en moins et les courbatures bien présentes, les nouvelles recrues sont appelées tôt ce matin-là pour préparer le déjeuner de toute la Nouvelle Armée. Le soleil étant à peine levé, ce travail peut paraître intense, mais très vite, les nouveaux se prennent au jeu et profitent de leur nombre pour accélérer les manœuvres.

Les cuisiniers qui sont là ne sont pas des soldats, ils travaillent simplement à Atarashî en tant que civils. Tout comme ces mécaniciens, qui entretiennent les Hyper Véhicules, à l'extérieur, et d'autres ouvriers en tout genre. Tous ces travailleurs sont les meilleurs spécialistes dans leur domaine, condition nécessaire pour travailler à Atarashî, et acceptent de travailler dans cette "ville", dangereuse car sujette aux invasions, entre autres pour le salaire qu'elle leur représente.

Dans l'immense réfectoire, les plats distribués sont apportés, les uns après les autres sur les tables encore vides. Une fois la préparation terminée, le lieutenant Greg Mandra, qui les supervisait, fait sonner le clairon dans les autres bâtiments d'Atarashî. Tout le monde peut enfin manger pour emplir sa matinée d'une énergie à ne pas gaspiller. À cause de la cohue, Nidari et Létaki sont séparés des deux autres membres de leur groupe, et personne n'aura vu Kyhx profiter de la foule pour emporter son repas à l'extérieur, et l'avaler en solitaire, sans personne pour le déranger.

Comme une pause syndicale de début de journée, tous les soldats présents, habillés et armés, se tiennent ici et là. Certains à l'intérieur, assis pour la plupart, et les autres dehors, à griller une cigarette ou à discuter en s'appuyant sur le mur. Tous les soldats sont avec leur groupe, et certains groupes se sont même rassemblés pour discuter entre eux, mais aucun ne semble inquiété de ne rien faire. Parmi toutes ces tenues identiques noires et blanches de guerriers, les nouvelles recrues de cette année ne passent pas inaperçues, perdues comme elles ont l'air d'être. Nidari cherche à habituer son groupe à faire comme les grands et à se réunir dès le début de la journée. Il trouve son rival Kyhx dehors et emmène sa jumelle avec lui. Cependant, Zélyde reste invisible à son radar.

Lorsqu'un long et fort signal sonore plutôt aigu, auquel ne s'attendaient pas les nouvelles recrues, se fait entendre, les soldats confirmés poussent un soulagement collectif : ils l'attendaient. Ce son annonce le début de la journée et affecte les soldats aux missions qui leur sont assignées sur les écrans géants qui se dupliquent sur les façades intérieures et extérieures du bâtiment. On y voit des tableaux sur lesquels des noms apparaissent en face de leurs missions. Les tableaux sont catégorisés par en-tête et par couleurs. Les en-têtes sont représentées par différentes paires de lettres et les couleurs bleue, verte et jaune très distinctes permettent de se repérer rapidement. À leur vue, les yeux de Nidari pétillent.

En tant que soldat, on doit se référer aux tableaux pour connaître sa mission. Avec la couleur et le titre du tableau, on retrouve plus facilement notre nom. L'en-tête, c'est la division dont on fait partie, et la couleur, notre grade. Bleu.. Vert... Jaune... Ce sont les échelons à gravir !

Il en aurait presque oublié que Zélyde n'était pas avec eux, mais avec le soudain mouvement foule, impossible de circuler correctement dans cette fourmilière, alors chercher quelqu'un du regard lorsque tout bouge n'est pas plus simple.

Dans la Nouvelle Armée, la hiérarchie est complexe. Chaque division est indépendante des autres et est régie par son unique commandant. Celui-ci nomme, parmi ses subordonnés, jusqu'à deux capitaines, ses assistants personnels, et quatre lieutenants, les délégués de la division. La plupart du temps, ce sont les soldats qui montrent le meilleur potentiel de combat qui gagnent ces grades, c'est pour ça qu'il est sage de suivre les haut-gradés, et déconseillé de les contrarier. Pour tout le reste des soldats, il existe trois échelons de niveau. Une nouvelle recrue est en "formation" pendant un ou deux ans, en moyenne, suite à quoi, elle devient Teishi, un soldat débutant. Son groupe est alors autorisé à s'entraîner seul dans le terrain d'entraînement de la Nouvelle Armée, qu'on appelle "Gakushû". Vers la vingtaine, le Teishi acquiert assez d'expérience pour devenir Shinken, un soldat confirmé. Il est alors apte à parcourir le Torêningu avec son groupe sans le soutien constant d'un supérieur. Enfin, une dizaine d'années plus tard, environ, la promotion tant convoitée des plus téméraires : Sentôki ! Ce sont les meilleurs soldats en dessous des haut-gradés, juste en dessous de mon père ! Là où certains n'atteignent jamais ce niveau, je jure de dépasser ce grade avant mes trente ans !

 

En fin de matinée, tous les ordres ont été transmis, cependant, l'endroit n'est pas vide. Chaque jour, une petite partie de la Nouvelle Armée n'est pas envoyée directement en mission. Bien que ces soldats ne soient pas encadrés par leurs supérieurs, il ne s'agit pas complètement de congés? ou de repos. Le fait de ne pas être convoqué au front signifie implicitement qu'ils doivent entretenir leur prestation de militaire : ils ne doivent pas négliger leur entraînement physique et leur stratégie de groupe. Tout ce qui leur est demandé est de prendre soin d'eux-mêmes pour être plus efficace lors de la prochaine mission. En dehors de ces réglementations, les soldats sont livrés à eux-mêmes. Certains en profitent pour rendre visite à des proches, d'autres pour traîner en ville et jouer à des jeux d'argent avec les civils, mais la plupart reste au camp d'Atarashî pour s'entraîner et participer à des Tournois.

Les Tournois sont des activités que l'on n'enseigne pas à l'Établissement de Scolarité Militaire, car elles ne font pas partie des devoirs académiques d'un soldat. Jeux d'argent en sont les règles principales. Il s'agit d'une sorte de concours entre les participants qui s'y inscrivent. Les deux grands types de Tournois sont les Chasses au Mutant et les Courses du Combattant. Comme leurs noms l'indiquent, les concurrents doivent, selon les règles imposées, combattre et vaincre plus de mutants que leurs adversaires, ou traverser un parcours du combattant, semé d'embûches, le plus rapidement. Considérés comme des divertissements qui, à la fois entraînent les soldats, et gardent leur force morale au plus haut, les Tournois ne sont pas prohibés par les haut-gradés, qui s'y essaient même parfois.

 

Parmi les silhouettes qui sont encore sur le lieu présent, on retrouve naturellement les nouvelles recrues des six différentes divisions. Pour beaucoup, d'entre elles, un de leurs lieutenants vient les accueillir et les accompagne. Rapidement, la place se vide et seules quatre nouvelles recrues sont laissées là. Cette année, comme depuis deux ans, la division de l'Omnscient n'a accueilli qu'un seul groupe de nouvelles recrues en son sein et ceux qui le composent n'ont pas encore reçu d'ordres. En effet, il y a plusieurs années déjà, les deux capitaines et les quatre lieutenants du commandant Hyxarkon l'Omniscient ont laissé leurs vies en mission et n'ont, depuis lors, jamais été remplacés ; décision du commandant lui-même. C'est pourquoi, lorsqu'il se présente devant ses subordonnés, ce matin-là, il est accompagné d'une jeune femme, experte de la reconnaissance en terrain hostile, qui se montre très souriante.

- Bonjour à vous quatre, je suis Shasha Li, capitaine de l'Illusion. Ne perdez pas de temps, et suivez-moi, il faut vous équiper !

Et oui, désormais, ils sont aux portes du danger ! Une tenue militaire et un équipement adéquat leur est à ce jour indispensable ! Tous les quatre suivent le commandant et la capitaine au travers des allées d'Atarashî et entrent dans une yourte de toile forte. La capitaine Li conduit Zélyde et Létaki dans le compartiment de droite, séparé de la gauche où Hyxarkon accompagne Kyhx et Nidari. Çà et là, on voit des tas de tenues militaires de la Nouvelle Armée : de toutes tailles, les pantalons et les vestes blanches sont encore pliés et emballés, alors que les hauts noirs sont suspendus aux cintres, à gauche, ceux pour les hommes, rangés par ordre croissant de carrure, et à droite, ceux pour les femmes, rangés par ordre décroissant de taille de poitrine.

Comme à son habitude, Kyhx s'éxecute sans broncher, et reste muet. Nidari, lui, ne peut pas s'empêcher de faire la remarque.

- Ça taille petit, ou alors, j'ai grandi ?

- C'est normal si c'est un peu serré... Le rassure l'Omniscient.

De l'autre côté, la capitaine Shasha Li l'explique plus en détails aux filles :

- Ne sois pas gênée que ça moule ta poitrine, euh... Zélyde, c'est ça ? La tenue est étudiée pour maintenir tes seins lorsque tu es en mouvement, sans pour autant trop te les comprimer. Au début, tu vas te sentir comme étouffée, comme si quelqu'un te pelotait sans arrêt, mais tu vas t'y faire, et tu verras qu'en tant que guerrière, c'est indispensable d'avoir les seins bien maintenus.

Puis en se retournant vers Létaki :

- Ne t'inquiète pas, ils vont pousser aussi, les tiens.

Sans mot dire, la jeune fille aux cheveux roses vire au rouge, sous les regards un peu moqueurs des deux autres jeunes femmes. Elles enfilent ensuite des pantalons blancs à leur taille, quoiqu'un peu serrés, pour les mêmes raisons que le haut de l'accoutrement. Ces vêtements sont faits d'un tissus à la fois élastique, pour limiter le moins possible les mouvements du corps, et à la fois assez fragile pour se libérer facilement en se déchirant lorsqu'ils s'accrochent dans des ronces ou des branches. Il en est de même pour les gilets, blancs eux aussi, qui, moins serrés, n'impactent en rien la liberté de mouvement. Ces gilets n'ont aucune poche extérieure, trop sujette à de faciles accrochages, ni aucun bouton pression ou autre fermeture. En fait, le gilet est principalement utilisé pour se couvrir un minimum contre les basses températures, et pour se repérer plus facilement entre soldats pendant les expéditions en dehors du camp.

Habillés et fin prêts à se comporter en vrais soldats de la Nouvelle Armée, les deux haut-gradés leur présentent les armes dont ils doivent s'équiper pour se défendre. Sur l'étalage voisin, on les y trouve en surnombre. Cimeterres, bardiches, hallebardes, katanas, arcs, armes de poing et même quelques fusils à plus longue portée.

- À vous de choisir ce qui vous correspond le mieux.

- J'hésite entre le katana et l'épée. Je sais que les deux ne se manient pas de la même façon... Commence Nidari.

- Et qu'elles n'ont pas la même utilisation sur les mutants, on sait... finit le commandant. Prends les deux, si tu les manies bien. Si t'es bon, tu sauras les utiliser correctement.

- C'est possible d'avoir deux armes ?

- Réfléchis avant de parler, imbécile, on ne peut pas être trop armé pour combattre la mort !

Cette remise en place le laisse au silence, et il ne peut que se rendre compte de sa bête question. C'est sûr, avoir plusieurs types d'armes qu'on maîtrise ne peut qu'être bénéfique à la Nouvelle Armée. La société ne lésine pas sur les moyens lorsqu'il s'agit de protéger ce qu'il reste de l'humanité. Nidari s'équipe alors de la ceinture à deux boucles pour y attacher son épée longue et son katana, mais la capitaine Li l'arrête.

- Pas si vite ! Tu es droitier ou gaucher ?

- Avec mes deux armes, je dois m'entraîner à être ambidextre, mais je suis plutôt droitier.

- Alors laisse tomber l'ambidextrie. Si tu manies ton épée avec une ou deux mains, c'est toi qui vois, mais tu ne pourras jamais être habile avec un katana dans une seule main. Ce qu'on va faire, c'est que tu vas simplement porter ton katana en bandoulière, attaché à une sangle. Comme ça, quelque soit l'arme que tu dégaines, tu le feras de la main droite.

Aussitôt, elle part lui chercher la sangle et l'ajuste à son dos. Après quoi, il troque la ceinture double pour une ceinture standard à laquelle elle attache sa lame longue à son flanc gauche. Létaki, de son côté, examine les différentes bipennes. Des plus légères aux plus lourdes, elle les pèse une à une et finit par en choisir une parmi les plus grosses, à la surprise de tout le monde.

- Tu es sûre que tu arriveras à manier celle-là ? Demande Shasha Li.

- C'est vrai qu'elle pèse presque aussi lourd que toi, Létaki. Ajoute Zélyde, entre l'inquiétude et la plaisanterie.

Létaki ignore ces moqueries et fait remarquer à Zélyde en plaisantant qu'elle n'est pas encore armée. Celle-ci s'empresse donc d'attacher une lourde lame à sa ceinture et l'ajuste en réponse. Kyhx aura préféré un petit wakizashi, tout juste assez discret pour le ranger dans son dos. Une fois les armes tranchantes choisies et équipées, l'Omniscient attrape deux paires de holsters pleins et les tend à ses recrues.

- Ça s'accroche à la cuisse gauche. Enfin, en tout cas, pour ceux qui manient leurs tranchants de la main droite.

- Ce sont des... Des revolvers ? S’effare Nidari.

- Non. Ce sont des pistolets bactériologiques. C'est bien plus silencieux et ça tire des capsules de Tiny Blood, pas des balles. Donc en un seul tir, vous pouvez tuer n'importe quel homme.

Les quatre jeunes sont sidérés, inquiets de cette soudaine énorme responsabilité. La capitaine essaie de les rassurer en leur montrant le cran de sécurité, mais ils ont du mal à rester tranquilles. Hyxarkon en remet une couche et les met en garde.

- Il est interdit de tirer tant qu'on ne vise pas une cible clairement visible et dégagée ! Même derrière un feuillage, on ne risque pas de tuer un collègue, c'est compris ? La sanction ? Bannissement et prison !

Ils n'avaient pas pour intention d'utiliser une arme aussi dangereuse aléatoirement, mais pour le coup, ils sont prévenus. Les quatre jeunes soldats se prévoient de s'exercer au maniement du pistolet assidûment. Malheureusement, il ne s'agit pas du seul entraînement qu'il devront suivre. Tout le groupe se déplace jusqu'au prochain arsenal et les deux haut-gradés présentent fièrement les gadgets dont s'équipe chaque soldat dans la Nouvelle Armée. La nouvelle version des propulseurs de saut ne montre que des progrès par rapport à celle qu'utilisent les plus anciens soldats. Ces récents accessoires s'équipent comme des jambières, au niveau des tibias, et se sanglent sur les mollets. La plaque d'acier sur le devant fait office de protection, et le tube à l'arrière débouche sur le bas pour que la détonation permette au propriétaire d'envoler son saut. Maîtriser un tel propulseur demande de la patience et de l'application, car il s'active par une simple forte pression du pied sur le sol, comme par intention de sauter.

- Pas d'inquiétude, en peu de temps, vous arriverez à maîtriser vos impulsions.

Après que Shasha Li a rassuré et réconforté la jeunesse, le commandant feint de se questionner.

- Tenue... Armes... Propu... Il ne manque rien ? Ah bah si ! La mission !

Et la capitaine enchaîne :

- Allez, suivez-moi jusqu'aux garages, on part de suite dans un camp de Heiya.

Ce sont les plus jeunes qui sont surpris d'entendre leur première destination. Heiya, c'est le nom qu'on donne aux terres extérieures de la région, dans lesquelles il est interdit de s'aventurer si on n'est pas un haut-gradé, tant le danger est grand, là-bas. La rumeur est donc vraie : les missions que propose le commandant Hyxarkon à ses soldats sont réellement les plus dangereuses de toutes, quelle que soit l'expérience de ses subordonnés. Un peu forcés, les conscrits suivent la jeune capitaine jusqu'aux hangars, où se trouvent les motos de la Nouvelle Armée, entretenues par des mécaniciens spécialisés.

- Qu'est ce que c'est que ces engins ? Demande Létaki, surprise de voir ces motos très larges. Je n'en ai jamais vu de tels !

- On appelle ça des Hyper Véhicules. Ce sont les véhicules avec la plus importante vitesse qui soit. Ces Hyper Motos ne sont pas commercialisées dans le civil, on ne peut les trouver qu'ici, à Atarashî. L'intelligence artificielle qui y est implantée permet une excellente maniabilité de ces deux-roues ultra-rapides. C'est très instinctif à conduire, ne vous en faîtes pas ! Prenez-en une pour deux, et suivez-moi. Ne traînez pas, vous risqueriez de vous perdre dans Heiya, et croyez-moi, vous ne voulez pas que ça vous arrive.

À peine le temps de s'installer sur ces drôles de montures que le commandant Hyxarkon à déjà démarré son moteur et est parti en trombe à la vitesse d'un train. Les nouvelles recrues qui sont de la partie n'en reviennent pas.

- C'est effrayant la vitesse que ça peut avoir, ces trucs-là.

Nidari regrette bien rapidement d'avoir lâché ces mots en croisant le méprisant regard de son rival à l'œil blanc. Il grimpe alors vite sur sa moto, accompagné de sa jumelle et suit la capitaine Li pour ne pas la perdre de vue. La propulsion du hangar donne une accélération presque inhumaine à ce véhicule aérodynamique qui s'envolerait en tonneaux si l'assistance automatique n'était pas là pour aider son conducteur à garder le guidon droit. L'accélération et la vitesse sont telles que la pression de l'air contre le thorax empêche la sonorité des cris de Létaki de se faire entendre. Si les usagers ne portent pas de casque, c'est que la grande visière sur le devant du bolide permet la protection contre le retour du vent tout en offrant une large visibilité. Aussi, le maintien stable de la quille, assuré par l'intelligence artificielle du véhicule empêche quasiment toute chute possible, à moins de foncer droit sur un obstacle. C'est donc au conducteur de slalomer entre les arbres, s'il roule en forêt. Fort heureusement, le poste avancé, dont il est question, se trouve dans une ville tombée, par-delà une grande clairière sans relief.

Le début du chemin, relativement calme et goudronné pour que la conduite y soit stable, paraît si court que le bataillon arrive déjà au niveau de la sortie des terres sécurisées. À partir de ce point, où la route n'est plus que terre et cailloux, les tremblements des suspensions font vaciller les motos, qui se régulent d'elles-mêmes : les voilà en dehors d'Atarashî, il n'est plus question de sécurité, ici. La mort rôde dans chaque mètre carré de Heiya.

Comme une attraction à sensations fortes qui se termine, le poste avancé se présente déjà au loin, sur la ligne de l'horizon. On l'aperçoit tout petit, et pourtant en une moitié de minute seulement, la troupe de motards arrive aux portes du garage provisoire : une grange montée à l'arrache où l'on peut garer une vingtaine d'Hyper Véhicules à l'abri de la pluie qui, parfois, aime se montrer agressive.

Létaki s'était serrée si fort contre son frère qu'elle en déplore des crampes dans les bras. Lui aussi a des fourmis dans les mains tant les vibrations lui paraissaient violentes. Un peu secoués par cette virée inattendue, les jeunes soldats n'ont pas tellement le temps de se reposer et ne remarquent pas immédiatement que leur commandant n'est pas sur place. Shasha Li, toujours souriante, conduit ses gens au campement du poste avancé, et les présente à sa collègue.

- Voilà la relève d'Hyxarkon.

La seconde capitaine se retourne et se montre un peu moins enthousiaste que Shasha.

- Bonjour, je suis la capitaine Shinka Yori, de la division de l'Illusion. Dans ce campement, trois choses à respecter : vous ne devez pas sortir sans l'accompagnement d'au moins un lieutenant, vous devez être productif à l'objectif de ce poste avancé, et surtout, vous ne devez pas mourir. Au-delà de ces trois règles, vous êtes entièrement livrés à vous-même, vous êtes libres, vous faîtes ce que vous voulez, bla, bla, bla...

Elle semble lassée de répéter ces formalités, à entendre sa voix ennuyée, mais ne veut pas se permettre d'omettre ces préventions.

- J'espère que c'est clair, parce que je ne me répéterai pas. Sur ce...

Elle marque un temps et se tourne vers la capitaine Li.

- On a trouvé des mutants qui se rebellaient près de l'ancienne église. Shasha, tu viens avec moi, et vous, vous nous accompagnez.

La capitaine Shinka Yori désigne deux groupes de quatre soldats qui sont présents sur les lieux depuis déjà quelques semaines, apparemment. Ces soldats-là sont sûrement expérimentés et semblent être du niveau des Sentôkis, l'affaire est donc sérieuse. Ce poste avancé est peuplé d'une quinzaine de soldats à peine, pas plus. De quoi paniquer en cas d'invasion de mutants, surtout quand l'effectif se réduit de moitié d'un coup. Les dix guerriers empruntent quelques motos et disparaissent aussi secs. Ne sachant comment se rendre utile, Nidari rejoint Zélyde et Kyhx, suivi de près par Létaki, ne voyant plus personne à l'horizon.

- Bon, alors, ne pas mourir, je vois ce que ça veut dire. Ne pas sortir du camp, j'ai compris aussi, mais être productif, ici, je sais pas...

- J'imagine que le simple fait d'assurer une présence humaine fait fuir les mutants les moins ambitieux. C'est par là que commence l'expansion du camp et la future conquête d'une nouvelle ville.

Zélyde a très vite cerné les objectifs ciblés : assurer un soutien aux expéditions pour éviter le retour des mutants et, de temps à autres, participer à ces expéditions pour chasser, le plus loin possible, ceux qui s'entêtent à rester dans la zone.

- Exactement ! T'as tout compris !

Tous les quatre se retournent subitement vers cette voix jeune et féminine, mais digne d'une soldate aguerrie. Cette combattante ne manque pas d'assurance. On peut voir dans ses yeux toute la détermination qui la remplit. Quelques mèches de cheveux bleus tombent par ci et par là, attachés à deux barrettes ornées de pierres précieuses. Le katana prêt à être dégainé et un pistolet bactériologique accroché à la ceinture. Un sourire inquiétant à ses lèvres de guerrière endurcie, Ori Ishida accueille ses nouveaux compères.

- Bienvenue dans Heiya, les bleus !

 

 

* Les grandes plaines de Heiya ['h?ja] sont définies comme étant les territoires déjà explorés par la Nouvelle Armée, mais pas encore conquises.

* Le Torêningu [to??ni?'] se compose de tous les milieux ruraux de la région et est infesté de mutants.

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